L’adolescence moderne peut elle être assimilée à un passage… Supposant la transition presque brève d’un état assez stable et durable à un autre ? Le premier étant l’enfance et le deuxième l’âge adulte. L’adolescence dure longtemps, presque autant que l’enfance, presque dix ans. Le facteur le plus puissant impliquant l’adolescence est social ; c’est la scolarité à la « vrai grande école », celle où l’on est plus anonyme, sans le maître ou la maîtresse qui prenait si facilement la place du parent, qu’on pouvais presque aimer et craindre comme eux. Dans la cour du collège, dans les couloirs les élèves sont des centaines, il y en a avec de la barbe, d’autres avec de la poitrine, maquillées. Le complexe d’oedipe va bientôt se résoudre, un peu, c’est dans sa classe d’âge qu’on trouve maintenant son projet érotique. Des élèves ont été renvoyés pour des provocations, de la violence, parce qu’ils ont pris des drogues, certains que vous connaissez ont même eu des relations sexuelles…
L’adolescence commence au collège. Avec des histoires que vous ne pouvez plus raconter à vos parents, parce que cela les inquiéterait trop. Et il ne faut pas trop les inquiéter, ils vous enlèveraient les nouvelles autonomies qu’ils vous ont distillé, presqu’à contre cœur… Et puis il ne faut pas les fragiliser. Car ils ne pourraient plus bien vous protéger …
Ca y est, vous pouvez prendre du recul, juger un peu vos parents…Vous allez bientôt les quitter, partir. Dans longtemps bien sûr, dans des années, des siècles, quand vous serez sûr de vous, quand vous n’aurez plus peur. Mais vous savez que cela arrivera.
L’adolescence est plus qu’un passage, c’est la deuxième et dernière partie de l’enfance, avant d’être seul ou plutôt sans vos parents, avant d’être libre. C’est la partie éclairée de l’enfance. Vos parents le savent, le craignent. D’abord jusque là cela ne faisait pas si longtemps qu’ils avaient été adolescents eux même. Maintenant c’est plus loin, ils sont moins jeunes. Maintenant ils se rappellent qu’ils vont vivre cette curieuse tragédie humaine : aimer puissamment, inconditionnellement quelqu’un dans le seul but qu’il vous quitte…Pire, qu’il soit heureux de vous quitter, sans regret, sans bruit.
Cette deuxième partie du développement humain est longue, lente. Chacun, parents et enfant sait ce rôle de partance, mais maintenant il faut le jouer. Heureusement ce n’est pas sans filets…On peut se tromper, crier, regretter, aller mal, régresser, aller bien et recommencer. On a le temps ; ça passera.
L’adolescence n’est pas qu’un passage, qu’un moment chaotique où on change de carapace. C’est l’état de préparation à la liberté qui contrairement à celui de l’enfance est devenue conscient et compris.
La souffrance et l’avenir ?
Il est difficile d’être adolescent ? il est difficile d’être parent d’adolescent… peut être plus.
Souffrance adolescente… pourtant on la regrette beaucoup cette période. Quand elle se passe pas trop mal…y a de quoi être heureux, avec des émotions, de la musique, de l’intensité dans le corps ; et dans la tête plus encore. On comprend le monde. Mieux que les adultes ? Ils se trompent parfois… enfin ! Et on peut même leur expliquer pourquoi, et s’ils ne veulent pas comprendre, c’est parce qu’ils ont vieillis, ou qu’ils ont peur, de plus maîtriser, ils ne savent plus ?
Moi aussi je me trompe, je crois même parfois que j’ai plus besoin d’eux. Mais j’ai le droit de me tromper, de me contredire… je suis adolescent.
Ils comprennent mieux le monde que leur parents, que les autres, parce que c’est le leur. C’est leur tour. Très bientôt.
Mais attention : jeunisme !!!
Les adolescents sont jeunes et beaux… comme leur parents ? Cette fille ressemble à sa mère… maintenant. Elle a les mêmes formes, peut être en plus minces, et aussi le même rire, peut être en plus fort. Elle est jeune, trop, elle a 14 ans, et elle se montre en femme. Comme sa mère, elle veut un jean taille basse avec culotte qu’on aperçoit ; comme sa mère elle veut avoir un piercing nombril et nez, discret et brillant. Et puis des marques. Et puis autre chose que sa mère ; en plus… des cheveux plus rouges… et pourquoi pas un rat avec une chaîne ? Parce qu’il faut bien surenchérir, pour lutter. Contre le déguisement « en ado » de ses parents, contre la délectation de sa mère qui pense qu’on l’a sûrement prise pour sa sœur tout à l’heure, « aînée », d’ailleurs elle a dit, malgré ses 38 ans. Et encore elle aurait pu l’avoir plus jeune si elle avait voulu ; elle l’a dit. Parce que si elle joue sur le même jeu que moi ma mère, peut être qu’elle va encore gagner… C’est mon jeu, mes amis et mes habits…qu’elle s’occupe de mon petit frère et de son copain.
Le risque à l’adolescence
Un nouveau corps, de nouvelles sensations, de nouvelles capacités et puissances. Tout dans le plus. Plus fort, plus grand, plus intense. Finalement on espérait tous cela. Depuis le début. Les parents d’abord : non, tu es trop petit pour ça, quand tu seras grand tu pourras…Et puis on a tellement eu peur qu’il soit en retard, et on a été tellement fier qu’il soit en avance (alors qu’il était simplement normal). Et puis les enfants s’y mettent, intègrent : tu vois maman, maintenant je suis grand, je peux faire comme papa ? Ils accumulent les victoires, ils savent marcher, courir, puis lire et puis ils savent traverser la route tout seul…
On attendait qu’ils grandissent. On est soulagé qu’ils grandissent. Depuis le début… peut être surtout au début. Maintenant il a vraiment l’air d’un « grand ». Il pourrait faire comme eux ; et peut être plus ou même mieux ?
Ce nouveau corps que j’ai, que je vis, que je ressens et qui bouge, vite… comment il marche? il faut l’essayer… le tester… Jusqu’où il peut m’emmener, me faire plaisir, me faire des choses, que je ne pouvais pas même imaginer. Peut être même qu’il est plus fort que ce qu’ils m’ont dit. Peut être qu’il est capable, de passer, de dépasser, d’aller bien au de là des limites que l’on m’a dit… pour me faire peur. Et puis il est à moi ce corps : je vais l’essayer…
La violence en fait partie…
La violence des adolescents nous mets mal à l’aise… Elle est décrite subite, peu anticipable, peu régulable, pire elle serait normale, comme une expression de soi, pure presque romantique, comme un exaltation nécessaire… Ce constat qu’elle est un exutoire fatalement présent, incontournable, nous permet d’être paralysé et victime dans notre incapacité ; on ne va quand même pas museler son expression, éteindre sa communication ! Et puis pour se transformer, il faut des spasmes, des effractions… les éclosions, les accouchements sans douleurs n’existent pas ? Une impuissance devant la nature presque confortable.
Pourtant celui-là même, qui crie et qui claque les portes, parfois même tape dans le mur, il avait fait pire… bien pire. Il s’était roulé par terre, il avait hurlé pour pas aller au pot, il avait craché ses soupes. Il avait mordu en laissant des traces, il avait tiré les cheveux fort, tapé sur la tête d’enfants plus petits en disant que c’était pas lui… La vrai différence, ce n’est pas la fatalité de l’inexorable expressivité de l’adolescence… C’est le poids. Il fait 50 ou 60 kilos de plus. S’il vous touchait cela ferait beaucoup plus mal. Cela fait plus peur.
En fait il se contrôle bien mieux que lorsqu’il avait trois ans, parce que vous lui avait appris à attendre, à supporter, un peu, qu’il n’ait pas ce qui veut ; mais sa masse rend l’erreur de contrôle franchement plus dangereuse pour votre corps. L’apprentissage n’est pas terminé. Il a (au minimum) votre puissance de frappe, mais pas votre maturité. Il doit vous rester encore de l’énergie à dépenser pour le calmer, mettre à distance, lui apprendre à différer, le sécuriser.
Qu’est ce la crise suicidaire à l’adolescence ?
C’est un moment où l’adolescent pense trouver la résolution à sa souffrance psychique en mettant fin à ses jours.
L’adolescent vit une période marquée par des bouleversements physiques et affectifs qui favorisent les doutes et l’ébranlement des repères. Il est à la fois très exposé aux questionnements existentiels sans avoir encore les moyens pour y répondre. Il est donc en situation vulnérable pouvant conduire à la crise suicidaire.
En revanche à l’adolescence, bien plus qu’à l’âge adulte, cette crise est caractérisée par son aspect impulsif et souvent transitoire.
Que faire lorsque l’on a repéré ces risques ou ses signes chez un de ses amis ou proches ?
Il n’est jamais trop tard pour intervenir. La crise est toujours potentiellement réversible. Elle n’est jamais anodine ou banale ou encore un simple « chantage », elle est toujours à prendre très au sérieux.
Il s’agit de favoriser le dialogue avec l’adolescent, de l’entourer et de le soutenir sans juger ni moraliser ses attitudes ou idées suicidaires et lorsque cela est possible l’aider à parler avec sa famille.
Il faut l’accompagner vers des professionnels. D’abord les professionnels les plus familiers et proches de l’adolescent : infirmières scolaires, assistantes sociales des collèges ou lycées, médecins scolaires, médecins de familles, pédiatres…
Existe t-il des lieux spécialisés pour ces situations ?
Il existe des lieux spécialisés dans l’écoute, l’accompagnement et le suivi des adolescents en souffrance. Certaines villes possède des Maisons de l’Adolescents qui ont été conçues notamment pour accompagner et suivre facilement ces adolescents. Les « points écoute jeunes » ou les « espaces santé jeunes », les centres médico-psychologique (CMP) ou médico-psycho-pédagogiques (CMPP) mais aussi les psychiatres en cabinet peuvent également répondre à ces besoins.
Il ne faut pas hésiter à accompagner l’adolescent aux urgences si la situation est critique. Les parents et la famille ont une place primordiale et seront impliquées le plus possible dans les prises en charges.
Comment prévenir les récidives ?
Il s’agit d’une démarche très importante. Les récidives sont fréquentes et le plus souvent les suicides » réussis » surviennent après plusieurs tentatives. Cette prévention, c’est à dire éviter que cela ne recommence, est le but principal de la prise en charge et des actions à réaliser.
Un suivi psychologique doit être toujours proposé. Il est risqué cependant de donner simplement le conseil « d’aller voir un psy ». Les adolescents ne s’y rendent pas facilement, surtout s’ils restent seul dans cette démarche. Il faudra souvent un accompagnement, au minimum un rendez-vous chez un psychiatre ou un psychologue pris, fixé et donné directement à l’adolescent.
Que fait le « psy » qui rencontre l’adolescent ?
La rencontre doit être d’abord rassurante, déculpabilisante mais surtout non banalisante. Il s’agit ensuite de comprendre les raisons personnelles et précises qui ont provoqué l’acte en parlant avec l’adolescent. Parfois on peut diagnostiquer une authentique dépression qu’il faudra traiter. Il n’est pas du tout systématique de prescrire des médicaments contre la dépression, les angoisses ou les insomnies, mais ceux ci peuvent être utiles dans certains cas pour passer un cap.
Une fois les raisons comprises il faudra aider l’adolescent à agir dessus pour les modifier. Le lien avec la famille est toujours nécessaire, tout en préservant une partie intime, un espace de parole privé. En effet les difficultés relationnelles avec les parents peuvent être majeures et tout ne peux être dit et résolu en leur présence. Ceci est parfois difficile à comprendre pour des parents souvent mal à l’aise dans cette situation ; c’est au spécialiste de leur expliquer ce besoin, même partiel, d’espace privé, parfois organisé de façon régulière, chaque semaine, correspondant à une psychothérapie individuelle.
Les parents ont de toute façon une place importante, d’autant plus qu’ils peuvent eux aussi agir sur des facteurs qui ont favorisé le passage à l’acte de leur enfant : isolement, incompréhension…
Enfin le spécialiste qui s’occupe de l’adolescent peut se mettre en rapport avec l’école et participer à l’accompagnement à la réintégration scolaire, ce qui dans certains cas doit être précautionneux. Il faut bien entendu que l’adolescent, mais aussi ses parents, soient clairement d’accord avec une telle démarche, aient compris l’intérêt de celle-ci, sans crainte de stigmatisation. Le travail de lien scolaire sera notamment justement axé sur cette « déstigmatisation » de l’acte suicidaire.
Pourquoi faut il travailler cette « déstigmatisation » ?
Le suicide, comme la plupart des troubles psychologiques, provoque dans une famille, dans un groupe, dans la société des sentiments de peur, de honte, des jugements de valeur et parfois de la fascination. Ces sentiments créent de part et d’autre des malaises qui aggravent l’incompréhension, et en tout premier lieu celle que vit le jeune.
L’adolescent, mais aussi ses parents, ont souvent peur de réactions de rejet de la part de l’entourage, notamment scolaire. Cette peur peut être anticipée, imaginaire ou basée sur la réalité. Cette peur du rejet des uns s’associe à cette peur des troubles psychologiques des autres. Tous combattent fréquemment ces peurs par la banalisation de l’acte suicidaire ou encore par le camouflage des problèmes. Ces attitudes aggravent la souffrance de l’adolescent et de sa famille.
Conclusion
Nous pouvons tous agir à ce niveau indirect de l’aide aux personnes ayant, ayant eu ou qui auront une « crise suicidaire » : lutter à la fois contre le rejet que cette crise procure encore mais aussi contre une de ses conséquences : le discours de banalisation de cet acte.